Retour aux articles

Brexit : quelles conséquences en matière de coopération judiciaire ?

Pénal - International, Procédure pénale
12/02/2021
Éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux, a été auditionné par la commission des lois le 11 février 2021 sur les conséquences du Brexit en matière de coopération judiciaire. 
Rappelons. Un accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni a été conclu le 24 décembre 2020. Il a été mis en application le 1er janvier 2021. L’accord détermine les règles applicables aux relations entre les parties et définit une relation privilégiée en matière de coopération judiciaire permettant notamment de lutter contre la criminalité transfrontalière et le terrorisme.
 
Le 12 janvier dernier, la conférence des présidents a décidé que les commissions de l’Assemblée nationale devaient organiser des auditions des ministres sur le Brexit. Le garde des Sceaux a été auditionné le 11 février 2021.
 
Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois pose le contexte : le Brexit est « lourd de conséquence s’agissant de la coopération judiciaire en matière pénale », en ce qui concerne notamment les questions relatives au mandat d’arrêt, à l’entraide pénale, au gel et confiscation d’avoir.
 
Éric Dupond-Moretti souligne : « Être hors de l’Union Européenne, c’est perdre le bénéfice des mécanismes efficaces de coopération judiciaire ». En particulier « le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions de justice qui est une pierre angulaire de l’espace judiciaire européen ».
 
Le Royaume-Uni et la France restent cependant liés par plusieurs systèmes conventionnels :
- les conventions pénales du conseil de l’Europe ;
- et les conventions de la Haye en matière civile.
 
Ainsi, la coopération peut être poursuivie dans un cadre juridique connu. Mais les négociations de l'accord ont permis « d’améliorer ce cadre de base dans le respect des principes généraux ».
 
Le constat est clair : « Du fait de la proximité géographique et des nombreux échanges entre nos deux pays, la coopération judiciaire pénale est importante tant en ce qui concerne l’entraide que la remise des personnes » souligne le ministre.
 
S’agissant de la remise des personnes, la France a soutenu le principe de la mise en œuvre d’un mécanisme inspiré de ce qui existe déjà. Une procédure « qui se rapproche fortement du mandat d’arrêt européen, même si, elle est un peu dégradée par rapport à celui-ci », a ainsi été adoptée (art. Law.surr.76 et suivants de l’accord). Ce qui change : le contrôle de la double incrimination est rétablie, la diffusion d’une notice d’Interpol ne vaut plus demande d’arrestation provisoire et « nous ne remettrons plus nos ressortissants » souligne le ministre.

 
La Cour de cassation est revenue sur l’articulation entre le Brexit et le mandat d’arrêt européen dans un arrêt du 26 janvier 2021 (Cass. crim., 26 janv. 2021, n° 21-80.329, P+I, v. MAE et retrait du Royaume-Uni de l’UE, Actualités du droit, 5 févr. 2021).
 

Pour ce qui est de l’entraide pénale, le garde des Sceaux rappelle les fondements de la coopération que sont la Convention européenne d’entraide judiciaire de 1959 et deux protocoles datant de 1978 et 2001. « Ces instruments sont connus et reconnus des professionnels de l’entraide pénale internationale qui les utilisent très régulièrement ».
 
L’accord du 24 décembre 2020 relatif à l’entraide pénale est venu compléter ces conventions prévoyant des mécanismes plus étroits s’inspirant du droit de l’Union européenne, par exemple les délais à respecter pour l’exécution des demandes.
 
Deux points importants de ces accords soulignés par Éric Dupond-Moretti :
- le dispositif retenu en matière de gel et confiscation des produits du crime : l’entraide est obligatoire et l’accord prévoit que la loi applicable à toute requête portant sur la confiscation d’un bien ou d’un produit d’une infraction ou sur une mesure provisoire/conservatoire en vue d’une confiscation ultérieure d’un bien ou du produit d’une infraction est celle de l’État requis, sous réserve de certaines formes particulières que l’État requérant pourrait demander ;
- le mécanisme d’échange des informations sur les condamnations pénales et casiers judiciaires : ces derniers continueront à être échangés mais une condamnation prononcée au Royaume Uni ne pourra plus être considérée comme le premier terme de la récidive.
 
« Les deux sont proches de ce que nous connaissons dans l’Union Européenne » précise le ministre.
 
En revanche les autres outils « cessent de s’appliquer », comme la reconnaissance mutuelle des décisions et la participation du Royaume Uni à Eurojust (même si Eurojust peut encore détacher un magistrat de liaison auprès du RU en application de l’article 53 de son Règlement).
 
En conclusion : le Brexit a un impact mais le ministre de la Justice souhaite être « rassurant sur la sécurité de nos concitoyens » en ce qui concerne notamment la remise des personnes, l’entraide judiciaire, des équipes communes d’enquête qui sont toujours possibles sur le fondement du Protocole additionnel à la Convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale, du gel des avoirs, de l’échange des casiers judiciaires.
 
Source : Actualités du droit