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Responsabilité du fait des choses : pas d’obligation générale de sécurité de résultat d’une entreprise de distribution en cas de chute d’un client

Civil - Responsabilité
Affaires - Assurance
18/09/2020
Par un arrêt du 9 septembre 2020, la première chambre civile de la Cour de cassation enterre définitivement la solution du 20 septembre 2017 qui a érigé, sur le fondement de l'article L. 421-3 du Code de la consommation, une obligation générale de sécurité de résultat d’une entreprise de distribution à l'égard de sa clientèle.
La doctrine s’était beaucoup émue de la solution dégagée par l’arrêt du 20 septembre 2017 (Cass. 2e civ., 20 sept. 2020, n° 16-19.109). Ce dernier, au visa de l'article L. 221-1 du Code de la consommation (devenu L. 421-3 du même code), pose une règle jurisprudentielle difficile à justifier selon laquelle l’entreprise de distribution est débitrice d’une obligation générale de sécurité de résultat envers ses clients.

Dans l’affaire jugée en 2017, le client fait une chute sur un tapis antidérapant dans un supermarché. Blessé à l’épaule, il forme une demande d’indemnisation sur le fondement des dispositions du Code de la consommation précitées. Demande rejetée en appel, son pourvoi prospère devant la Cour de cassation qui, a-t-on cru, opère un revirement jurisprudentiel.

Les faits de l’espèce donnant lieu à l’arrêt du 9 septembre 2020 sont, mutatis mutandis, les mêmes. Un client fait une chute dans un hypermarché en trébuchant sur un panneau publicitaire métallique et se fracture le poignet. Débouté en appel, il se pourvoi en cassation contre l’enseigne et son assureur.

Il n’est pas inutile à ce stade de rappeler que, classiquement dans ce cas de figure, le demandeur invoque à son bénéfice l’article 1384, devenu 1242, alinéa 1 du Code civil. Ce texte, assise légale du régime de la responsabilité du fait des choses, permet d’indemniser la victime des dommages qu’une chose appartenant à autrui lui a causé. À ceci près pourtant que le demandeur doit prouver que la chose a bien été l’instrument du dommage. Qui plus est, si la chose est inerte (Cass. 2e civ., 13 déc. 2012, n° 11-22.582), comme un panneau publicitaire en l’espèce, la victime doit prouver que ladite chose a joué un rôle actif en occupant une position anormale (Cass. 1re civ., 9 juill. 2002, n° 99-15.471) ou en étant en mauvais état (Cass. 2e civ., 11 sept. 2014, n° 13-22.046).

Dans la présente affaire, le client blessé n’était pas en mesure de fournir la preuve du rôle actif du panneau publicitaire dans la survenance du dommage et donc prétendre bénéficier du régime de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil. Seule issue : invoquer la solution du 20 septembre 2017, qui déduit des dispositions du Code de consommation une obligation générale de sécurité de résultat, ce qui le dispenserait de la preuve qu’il ne peut apporter.

Les Hauts magistrats rejettent le pourvoi. Au visa des articles « 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du Code civil et L. 221-1, alinéa 1er, devenu L. 421-3 du code de la consommation », ils estiment que « la responsabilité de l’exploitant d’un magasin dont l’entrée est libre ne peut être engagée, à l’égard de la victime d’une chute survenue dans ce magasin et dont une chose inerte serait à l’origine, que sur le fondement du premier des textes susvisés, à charge pour la victime de démontrer que cette chose, placée dans une position anormale ou en mauvais état, a été l’instrument du dommage ». Ensuite, ils enterrent définitivement l’arrêt du 20 septembre avec le paragraphe suivant : « Si le second de ces textes édicte au profit des consommateurs une obligation générale de sécurité des produits et services, il ne soumet pas l’exploitant d’un tel magasin à une obligation de sécurité de résultat à l’égard de la clientèle, contrairement à ce qui a été jugé (1re Civ., 20 septembre 2017, pourvoi n° 16-19.109) ».

Cette décision referme donc une brèche ouverte trois ans plutôt et vigoureusement dénoncée par la doctrine. Une solution qui ne devrait pas surprendre mais mérite néanmoins être saluée pour sa clarté.
 
Source : Actualités du droit