Retour aux articles

Justice de proximité : la feuille de route du Gouvernement dévoilée

Pénal - Vie judiciaire
18/12/2020
Éric Dupond-Moretti a détaillé dans une circulaire transmise le 15 décembre 2020 aux procureurs les modalités de fonctionnement de la justice de proximité. Réorganisation, liste des infractions, recrutement … Retour sur la politique du Gouvernement.
Dans une circulaire diffusée aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, le garde des Sceaux « demande de promouvoir une justice de proximité déclinée dans une acceptation géographique, temporelle et institutionnelle, de nature à faciliter l’accès au service public de la justice et apporter une réponse pénale crédible, effective et rapide, qui prenne en compte la victime tout en assurant la réadaptation de l’auteur ».
 
Il faut rappeler que cette justice de proximité vise à faire en sorte que la petite délinquance « soit traitée avec la même rapidité et efficacité que la grande » (Ministère de la justice, 17 déc. 2020).
 
Pas moins de 350 infractions de faible ou moyenne intensité entrent dans le champ de la justice de proximité. On y trouve notamment les tapages et nuisances sonores, les rodéos motorisés, les outrages, les dégradations, etc. (v. La liste des infractions). « Des choses qui empoisonnent le quotidien des gens, mais qui ne sont souvent pas jugées assez rapidement après la commission des faits, ce qui n’a aucun sens » déplorait le ministre de la justice (Ouest France, 16 déc. 2020).
 
Retour sur la circulaire relative à la mise en œuvre de la justice de proximité.
 

Une justice au plus proche …
 
… du justiciable – Dans un premier temps, le ministre de la justice entend une plus grande proximité des lieux d’audiences. Le ministre préconise d’avoir recours à des audiences dédiées et à des « audiences foraines permettant d’apporter une réponse aux délits et contraventions relevant de la justice de proximité » dans les tribunaux de proximité.
 
Le ministre préconise également une amélioration du service rendu au justiciable. Déjà il souligne qu’« un renforcement des mesures d’accueil, d’accompagnement et d’information des victimes tout au long de leur parcours judiciaire (…) doit leur être facilité ». Plus globalement, devront être recherchées les « bonnes pratiques organisationnelles en lien direct avec les usagers du service public de la justice ». Le ministre explique alors, que des outils intranet seront dédiés aux remontées et au partage des bonnes pratiques.
 
…  de l’infraction – « L’autorité judiciaire se doit d’être plus réactive face aux transgressions du quotidien » souligne le garde des Sceaux. Et dans la continuité de la circulaire de politique pénale générale du 1er octobre 2020 (v. Le garde des Sceaux attend une Justice « plus rapide et mieux comprise », Actualités du droit, 7 oct. 2020), il souhaite « une plus grande maîtrise des délais de réponse pénale ». Il faut délivrer une réponse dans un temps proche de la commission des faits.
 
La proximité doit aussi être géographique : « À une infraction de proximité doit correspondre une réponse inscrite dans la proximité ».
 
Le garde des Sceaux affirme alors que l’interdiction de paraître ordonnée à titre d’alternative aux poursuites est une mesure « efficace et appropriée aux infractions pour lesquelles l’ancrage territorial constitue un élément favorisant le passage à l’acte délictueux ». Aussi, les travaux non rémunérés prononcés dans le cadre des compositions pénales est une réponse s’avérant « particulièrement adaptée » pour répondre aux infractions de faible gravité.
 
Concrètement, « de façon générale, les alternatives aux poursuites dites « à contenu » s’agissant de ces infractions, si elles paraissent appropriées, devront être privilégiées par rapport à des dates de convocation devant le tribunal correctionnel trop éloignées des faits, étant précisé qu’elles peuvent également s’envisager sur défèrement pour les faits les plus graves ou qui s’inscrivent dans le cadre d’une réitération » précise la circulaire.
 
… des partenaires locaux – « La justice de proximité impose que les relations institutionnelles soient localement renforcées, à la fois pour gagner en efficacité et pour parfaire la connaissance de l’action de l’autorité judiciaire » souligne le ministre. Les relations partenariales avec les collectivités locales, le tissu associatif et les acteurs de terrain devront alors être développées et approfondies.
 
 
Avec quels moyens ?
Le garde des Sceaux assure que ces différents projets s’appuient notamment sur la création de 914 emplois de contractuels à recruter en 2020 et 2021.
 
Il précise que le recours accru à des magistrats honoraires et des magistrats à titre temporaire permettant aux magistrats de siéger dans les audiences délocalisées sera possible grâce à des crédits de 13 millions d’euros.

Côté parquet, 28 millions d’euros seront consacrés à l’élargissement de la mobilisation des délégués du procureur de la République tant en nombre qu’en type de missions. Ces derniers pourront se déplacer plus fréquemment dans des enceintes de proximité. Pas moins de 2 000 lieux seront mis à leur disposition. Plus précisément, « En plus des 164 tribunaux judiciaires, ils pourront exercer leurs missions dans les 1748 points et relais d’accès au droit, les 101 conseils départementaux d’accès au droit ou les 147 maisons de justice et du droit ou encore les 32 antennes de justice » (Ministère de la justice, 17 déc. 2020).
 
Le ministre sollicite également les procureurs de mettre en œuvre de « véritables projets locaux, déclinaisons de cette ambition nationale » au niveau de chaque arrondissement judiciaire.
 

Des mesures évaluées
Une évaluation de la mise en œuvre de ces mesures prises en vue d’une justice au plus proche du justiciable est prévue au moyen de trois indicateurs trimestriels :
- le nombre de réponses judiciaires pénales traitées en proximité ;
- le nombre de recrutements effectués dans le cadre des moyens qui ont été débloqués ;
- le taux de mesures alternatives aux poursuites dites « réparatrices ».
 
Les procureurs devront donc communiquer régulièrement sur leurs actions.
 

Quelle suite législative et réglementaire ?
Le ministre de la Justice a annoncé qu’un décret renforçant l’efficacité des procédures pénales et des droits des victimes doit paraître « dans les prochains jours ». Ce texte va notamment préciser les missions des délégués du procureur de la République.
 
Également, une proposition de loi améliorant l’efficacité de la justice de proximité et la réponse pénale (v. Justice de proximité et réponse pénale : que prévoit la proposition de loi ?, Actualités du droit, 18 nov. 2020) a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. Ce texte propose notamment de nouvelles alternatives aux poursuites et de simplifier le recours au travail d’intérêt général.
 
Source : Actualités du droit